Avant-propos
Pour beaucoup « Khodjaly » est inconnue. Pour les mieux informés, « Khodjaly » constitue une page noire de l’histoire de l’humanité, un acte de barbarie commis par les forces arméniennes il y a un peu plus de 30 ans. Pire, selon la décision de la Cour européenne des droits de l’homme datée du 22 avril 2010, le massacre perpétré à Khodjaly en Azerbaïdjan est synonyme de crimes de guerre ou crime contre l’humanité.
Il semble que les rapports disponibles de sources indépendantes indiquent qu’au moment de la prise de Khojaly dans la nuit du 25 au 26 février 1992, des centaines de civils d’origine ethnique azerbaïdjanaise auraient été tués, blessés ou pris en otage, alors qu’ils tentaient de fuir la ville capturée, par des combattants arméniens attaquant la ville ».
Pour les historiens, ce qui s’est produit à Khodjaly constitue une violation d’un grand nombre d’accords internationaux dont la Convention de Genève de 1949, la Convention des Nations Unies sur la prévention et la répression du crime de génocide, la Convention relative aux droits civils et politiques, la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants ainsi que la Convention sur les droits de l’enfant.
Dans la nuit du 25 au 26 février 1992, 613 civils azerbaïdjanais dont 106 femmes, 70 personnes âgées et 63 enfants sont morts dans la commune de Khodjaly qui abritait auparavant plus de 6 000 habitants.
487 civils dont 76 enfants ont été grièvement blessés tandis que 1 275 personnes ont été arrêtées par les forces arméniennes. À ce jour, 150 personnes de Khodjaly sont toujours portées disparues.
Les historiens soucieux de « réalité historique » peuvent s’appuyer sur les témoignages des journalistes et des photographes occidentaux présents sur le terrain à l’époque, ainsi que sur les témoignages des survivants.
Pour cette journée commémorative, nous vous proposons une analyse du Dr. Pat Walsh, historien irlandais et auteur de nombreux livres dont notamment « Britain Great War on Turkey — an Irish Perspective » qui renvoie à la Question d’Orient et que nous conseillons fortement.
Nous le remercions pour nous avoir permis de traduire, en français, son article « Khojaly Massacre Anniversary » publié le 21 février 2021.
Ce 26 février, comme chaque année, nous rendons hommage aux victimes et à toute la nation azerbaïdjanaise. Pour ne pas oublier mais aussi pour réclamer que les coupables dont certains se sont, à nouveau, distingués par leurs exactions lors de la deuxième guerre du Haut-Karabakh en 2020, ne restent pas impunis.
Commémoration du massacre de Khodjaly
Cette semaine marque le 29ème anniversaire du massacre de Khodjaly commis par les forces arméniennes à l’encontre des civils azerbaïdjanais pendant la première guerre du Karabakh.
Le 26 février 1992, des groupes armés arméniens ont attaqué la ville azerbaïdjanaise de Khodjaly et massacré, en une nuit, plus de 613 personnes innocentes, dont des femmes, des enfants et des bébés. Plus de 480 ont été blessés et 1 200 personnes ont été prises en otage. La ville de Khodjaly fut complètement anéantie, et il est difficile d’en trouver la moindre trace aujourd’hui. Tous les restes gisent en retrait de la zone toujours occupée par les Arméniens après la guerre de libération du Karabakh de 2020.
À partir de septembre 1991, les forces arméniennes commencèrent à manœuvrer pour se positionner, coupant les colonies azerbaïdjanaises du Haut-Karabakh. Au début de 1992, les Arméniens lancèrent une offensive complète, quittant Khankendi / Stepanakert et capturant un par les villages azerbaïdjanais, expulsant leurs habitants au fur et à mesure de leur progression. Les Arméniens se montrèrent très habiles à la guerre irrégulière dans la phase initiale de la guerre du Karabakh, ce qui leur ont permis de rapidement terroriser une grande partie de la population civile azerbaïdjanaise en fuite. Les combattants fédaïs venus d’Arménie n’ont rencontré aucune force azerbaïdjanaise capable de les contrer. Le 25 janvier 1992, les forces azerbaïdjanaises subirent de graves pertes lors d’une embuscade à Dashalti, près de Choucha.
La prochaine cible principale des Arméniens fut la ville azerbaïdjanaise de Khodjaly, qui comptait environ 6 000 habitants avant la guerre et où se trouvait l’aéroport régional. Elle servait de plaque tournante du transport ferroviaire et routier pour l’ensemble de la zone et était considéré comme un obstacle à l’expansion territoriale arménienne. Avec les forces arméniennes tenant Khankendi / Stepanakert au sud, et la région d’Askeran au nord, Khodjaly fut en grande partie isolée, assiégée et, à partir du 11 septembre 1991, sujet à un blocus. Le seul moyen d’entrer et de sortir était par hélicoptère et les vols de sauvetage et d’approvisionnement ont pratiquement cessé après que les Arméniens eurent abattu un hélicoptère au-dessus de Choucha à la fin janvier 1992. Environ 2 500 personnes furent piégées lorsque les forces arméniennes encerclèrent la ville au début de 1992. La ville comptait entre 160 et 200 défenseurs légèrement armés, dont environ 20 « OMON » (police spéciale). Les munitions manquaient et il n’y avait pratiquement plus de carburant pour les 2 véhicules blindés restants. Les défenseurs, dépassés en armes et en situation d’infériorité numérique, étaient en grande partie sans défense contre les forces qui se dressaient contre eux.
Le 26 février 1992, des milices arméniennes, alliées aux troupes du 366ème régiment soviétique de Khankendi, dont les officiers étaient à 80% arméniens et financés par les séparatistes, attaquèrent la ville. L’artillerie lourde et une quarantaine de véhicules blindés furent employés dans l’attaque et cette puissance de feu écrasante eut comme conséquence de rapidement brisé la résistance. Le massacre qui s’en suivi à Khodjaly, au cours duquel environ 613 personnes furent sauvagement tuées par les Arméniens, sera la plus dévastatrice des opérations menées par les paramilitaires arméniens contre la population azerbaïdjanaise.
L’écrivain arménien Zori Balayan, auteur de « The Hearth », qui a inspiré le mouvement « Miatsum » (ndlr : « unification ») du Karabakh au milieu des années 80 et qui avait pris part aux atrocités commises à Khodjaly, fera, par la suite, cette incroyable confession :
Lorsque Khachatur et moi sommes entrés dans la maison, nos soldats avaient cloué un enfant turc (ndlr : comprenez « azerbaïdjanais ») de 13 ans à la fenêtre. Il faisait beaucoup de bruit alors Khatchatur a mis le sein sectionné de sa mère dans sa bouche. J’ai écorché sa poitrine et son ventre. Sept minutes plus tard, l’enfant mourut. Comme j’étais médecin, j’étais un humaniste et je ne me considérais pas heureux de ce que j’avais fait à un enfant turc de 13 ans. Mais mon âme était fière d’avoir pris 1% de vengeance pour ma nation. Ensuite, Khachatur a coupé le corps de l’enfant en morceaux et l’a jeté à un chien de la même origine que les Turcs. J’ai fait de même avec trois enfants turcs (azerbaïdjanais) dans la soirée. J’ai fait mon devoir de patriote arménien. Khatchatur avait beaucoup sué. Mais j’ai vu la lutte pour la vengeance et le grand humanisme dans ses yeux et dans ceux des autres soldats. Le lendemain, nous sommes allés à l’église pour absoudre nos âmes de ce qui avait été fait la veille. Mais nous avons pu débarrasser Khodjaly des détritus que représentaient ses 30 000 habitants. »
Zori Balayan, La Renaissance de nos âmes, p. 260-1
Ce qui est le plus troublant à ce sujet, c’est la conviction de l’auteur qu’un tel comportement serait en quelque sorte justifiable. Malheureusement, cela en dit long sur les extrêmes du nationalisme arménien et de ce qui se faisait au Karabakh.
Il y a peu de doute quant aux facteurs idéologiques qui ont motivé l’atrocité de Khodjaly. Le nationalisme arménien a une forte impulsion suprémaciste qui considère les Arméniens comme une race supérieure et les « Turcs » comme des gens inférieurs. L’idéologie suprémaciste, qui a été exaltée par des Occidentaux notoires comme James Bryce à la fin du XIXe siècle, a cultivé le mythe d’un peuple distinct : la nation la plus ancienne, les chrétiens originels de la région et les maîtres d’un vaste empire. Tout cela était une fabrication qui a insufflée au nationalisme arménien un sentiment de supériorité raciale et par conséquent un mépris des « petites formes d’humanité » parmi lesquelles ils cohabitaient. Si cette forme de politique de l’évolution biologique, qui faisait fureur au sein de l’impérialisme avant la guerre de 1914, est tombée en disgrâce après la révélation des camps de la mort nazis en 1945, elle a eu des effets mortels dans les années 1990 car elle persistait dans le nationalisme arménien.
En 2003, le président arménien de l’époque, Serge Sarkissian, admettait que le massacre de Khodjaly avait effectivement servi à l’intimidation massive des civils azerbaïdjanais du Karabakh, ouvrant la voie à un nettoyage ethnique complet. Dans une interview avec le journaliste Thomas De Waal, publiée dans son livre Black Garden, Sarkissian laissait entendre que le massacre de Khodjaly avait fait office d’avertissement à l’adresse de la population azerbaïdjanaise du Karabakh qui leur était destiné : déguerpir ou mourir.
Avant Khodjaly, les Azerbaïdjanais pensaient qu’ils plaisantaient avec nous, ils pensaient que les Arméniens étaient des gens qui ne pouvaient pas lever la main contre la population civile. Nous avons pu briser cette croyance. Et c’est ce qui s’est passé. Et nous devons également tenir compte du fait que parmi ces gens se trouvaient des personnes qui avaient fui Bakou et Sumgaït. » Serge Sarkissian
Thomas De Waal, Black Garden, p. 172
Monte Melkonian, qui a mis de côté le terrorisme international au profit de l’irrédentisme arménien au Karabakh, a décrit Khodjaly comme un « objectif stratégique » et comme « un acte de vengeance » dans ses journaux intimes publiés à titre posthume par son frère Marker Melkonian sous le titre « My Brother’s Road : An American’s Fateful Journey to Armenia » (ndlr : Le chemin de mon frère, Monte). Melkonian, l’un des principaux dirigeants de l’ASALA, était un citoyen américain qui a contribué à scinder l’ASALA et à former l’ASALA Mouvement révolutionnaire. Il a été libéré de manière anticipée d’une prison française où il purgeait une peine de prison pour possession illégale d’armes. Melkonian, qui avait acquis une expérience militaire au Liban, « a été l’un des principaux artisans des victoires au Karabakh […] a joué un rôle déterminant dans l’organisation de l’armée du Karabagh et sa transformation en une force de combat de premier ordre » (voir Joseph Masih et Robert Krikorian, L’Arménie à la croisée des chemins, p. 44). Il a dirigé une unité de 4 000 hommes et a été rejoint par des centaines d’autres Arméniens, émanant des diasporas américaines, françaises, libanaises et syriennes, dont beaucoup avaient des antécédents en matière de terrorisme. Considérée comme le détachement le plus efficace des séparatistes arméniens du Haut-Karabakh, l’unité « Arabo » (ndlr : du nom d’Arakel Avedisian (1863 – 1893), un fédaï arménien originaire de Bitlis en Turquie) créée en 1989 à Erevan à l’initiative du parti Dachnakzoutioun, dont les membres avaient acquis une expérience de combat pendant la guerre civile libanaise. « Arabo » a gagné en notoriété pour sa participation aux terribles événements qui ont frappé les habitants du village de Garadagly et de la ville de Khodjaly.
Pour Melkonian, le massacre et les atrocités perpétrées seraient l’œuvre de forces irrégulières (arméniennes) hors de contrôle. Son frère écrira que
Les combattants Arabo avaient alors dégainé les couteaux qu’ils avaient portés sur leurs hanches pendant si longtemps, et avaient commencé à poignarder. Maintenant, le seul bruit était le vent sifflant dans l’herbe sèche, un vent qui était encore trop tôt pour souffler la puanteur des cadavres. Monte foula l’herbe où les femmes et les filles gisaient éparpillées comme des poupées brisées. “Pas de discipline”, murmura-t-il. »
Marker Melkonian, My Brother’s Road: An American’s Fateful Journey to Armenia, p. 213
Avant l’assaut, les forces arméniennes avaient encerclé la ville de trois côtés, laissant volontairement le quatrième ouvert en guise d’entonnoir pour les civils. Les résidents ont tenté de fuir via le nord-est, le long de la rivière Gargar en passant par Askeran jusqu’à Aghdam. Ils sont partis en groupes, déterminés à parcourir environ 12 km à travers le territoire sous contrôle arménien, pour se mettre en sécurité à Aghdam. Cependant, les civils en fuite ont été pris en embuscade et tués de façon brutale — souvent au moyen de couteaux — dans les bois et à découvert. Les journalistes ont saisi les scènes choquantes de carnage dans des séquences vidéo qui seront diffusées à la télévision. Les images montraient les cadavres mutilés de civils, y compris ceux de jeunes enfants éparpillés sur le sol. Beaucoup avaient été scalpés, décapités ou avaient les yeux arrachés, certaines femmes enceintes avaient leur abdomen transpercé par des baïonnettes. De nombreuses femmes et enfants ont également péri lorsqu’ils sont tombés d’épuisement ou sont morts gelés lors de leur fuite à travers les montagnes.
La presse internationale ne pouvait ignorer ce qui s’était passé à Khodjaly. Le britannique Sunday Тimes du 1er mars 1992 titrait : « Les soldats arméniens massacrent des centaines de familles lors de leur fuite ». Le Washington Тimes du 3 mars 1992 titrait : « Les informations faisant état d’atrocités horrifient l’Azerbaïdjan ». Le Human Rights Watch Center déclarera que les actions des forces armées arméniennes violent les Conventions de Genève ainsi que les articles 2, 3, 5, 9 et 17 de la Déclaration des Droits de l’Homme des Nations Unies.
Voici le rapport du Washington Times :
The Washington Тimes, 3 mars 1992
LES RAPPORTS SUR LES ATROCITÉS HORRIFIENT L’AZERBAÏDJAN
Par Brian KILLEN, d’Agdam en Azerbaïdjan
Des dizaines de corps gisaient hier autour des champs de la mort de Daghlig Garabagh, preuve du pire massacre en quatre ans de combats sur le territoire contesté.
Les responsables azéris qui sont revenus de la scène dans cette ville à environ 15 km de là ont ramené trois enfants morts, l’arrière de leur tête arraché.
À la mosquée locale, six autres corps étaient allongés, entièrement vêtus, les membres gelés dans les positions où ils avaient été tués. Leurs visages étaient noircis par le froid.
Une femme criait « Telman ! », battant furieusement sa poitrine sur le corps de son père mort, qui était couché sur le dos avec son bras droit raide jaillissant dans les airs.
Ceux qui sont revenus d’une brève visite en hélicoptère à Khodjaly, capturé par les Arméniens la semaine dernière, ont déclaré qu’ils avaient vu des scènes similaires – en plus grand nombre. Un journaliste russe a déclaré avoir dénombré une trentaine de cadavres dans un rayon de 50 mètres autour de l’endroit où l’hélicoptère avait atterri.
Mercredi dernier, l’Arménie a nié les atrocités ou les massacres d’Azéris après que ses irréguliers bien armés aient capturé Khodjaly, la deuxième plus grande ville azérie du Haut-Karabakh, L’Azerbaïdjan affirme que 1 000 personnes ont été tuées.
« Des femmes et des enfants ont été scalpés », a déclaré Assad Faradzhev, un assistant du gouverneur azéri du Karabakh.
Мr. Faradzhev a déclaré que l’hélicoptère, portant des inscriptions de la Croix-Rouge et escorté par des hélicoptères MI-24 de l’ancienne armée soviétique, avait réussi à récupérer seulement trois enfants avant que les militants arméniens n’ouvrent le feu. « Quand nous avons commencé à ramasser des corps, ils ont commencé à nous tirer dessus », a-t-il déclaré.
Мr. Faradzhev a dit qu’ils étaient n’ont pu se poser sur le sol que pendant 15 minutes.
« Les hélicoptères de combat ont tiré des fusées rouges pour signaler que les Arméniens approchaient et qu’il était temps de partir. J’étais prêt à me faire sauter si nous étions capturés ». a-t-il déclaré en montrant une grenade dans la poche de son manteau.
La photographe de Reuters, Frédérique Lengaigne, a vu deux camions remplis de cadavres azéris près d’Agdam et s’exprime en ces termes:
Dans le premier, j’ai compté 35, et j’avais l’air qu’il y en avait presque autant dans le second. Certains avaient la tête coupée et beaucoup avaient été brûlés. Tous étaient des hommes et peu nombre portaient des uniformes kaki »
Dans la mosquée d’Agdam, une ampoule blafarde éclairait des cadavres gisaient sur des matelas. Les gens ont crié des insultes au président azerbaïdjanais Ayaz Mutalibov, affirmant qu’il n’avait pas assez fait pour protéger la population azérie du Karabakh.
Des centaines de personnes se pressaient à l’extérieur pour chanter des prières islamiques. Certains pleuraient de manière incontrôlable et se sont effondrés près de leurs parents décédés, amenés en ville quelques minutes plus tôt.
Scène effrayante de dizaines de cadavres raidis, éparpillés sur une colline enneigée étayée par les récits du massacre de femmes et d’enfants par des réfugiés en sanglots qui ont réussi à s’échapper de l’enclave contestée du Caucase.
La télévision azerbaïdjanaise a montré l’image d’un camion rempli de corps amenés dans la ville azérie d’Agdam, certains avec leurs visages apparemment tailladés avec des couteaux ou avec leurs yeux arrachés. Une petite fille avait les bras tendus comme si elle pleurait à l’aide.
« Les corps sont couchés là comme des troupeaux de moutons. Même les fascistes n’ont rien fait de tel », a déclaré le commandant de la milice d’Agdam, Rashid Mamedov, faisant référence aux envahisseurs nazis pendant la Seconde Guerre mondiale.
« Aidez-nous à ramener les corps et à montrer aux gens ce qui s’est passé », a plaidé le gouverneur du Karabakh, Musa Mamedov, par téléphone à la base de l’armée soviétique à Gandja, la deuxième plus grande ville d’Azerbaïdjan.
Un pilote d’hélicoptère qui a emmené un caméraman et des correspondants occidentaux au-dessus de la région a rapporté avoir vu des cadavres traînant autour de Khodjaly et des dizaines de plus près du fossé d’Askeran, un col de montagne à quelques kilomètres d’Agdam.
(Washington Times, 3 mars 1992)
Le massacre sauvage de Khodjaly eut des implications politiques importantes en dehors de la terreur qu’il infligera aux civils azerbaïdjanais en fuite. Il a fatalement ébranlé le gouvernement de Bakou, qui, selon la tradition soviétique, a d’abord tenté de dissimuler l’acte. Le président Mutalibov, qui avait retardé la mise sur pied d’une armée azerbaïdjanaise et qui avait continué à compter sur Moscou pour maintenir la paix et la sécurité, a été contraint de démissionner lorsque les nouvelles ont commencé à se répandre sur l’ampleur réelle des atrocités et que des images télévisées de femmes et d’enfants décédés furent diffusées. Cela eu également comme effet d’affaiblir les Arméniens plus modérés d’Erevan, qui étaient enclins à un règlement négocié de la question.
Khodjaly a profité aux militants nationalistes (ndlr : arméniens) en provoquant une grande fuite d’Azerbaïdjanais sans défense du Karabakh et a renforcé l’emprise de ceux qui ont poursuivi une politique d’éradication de la population civile azerbaïdjanaise, politique qui était de plus en plus considérée comme une stratégie efficace en vue d’atteindre une victoire totale.
Cependant, c’est cette victoire complète et démesurée des Arméniens des années 1990, avec sa vaste épuration ethnique de quelques 800 000 personnes, s’est transformée en un fruit empoisonné pour les occupants. Leur nationalisme extrême et leur incapacité à conclure un règlement pendant près de 3 décennies ont conduit à une défaite militaire en 44 jours en 2020. Quant au massacre de Khodjaly, il aura souillé la victoire temporaire (ndlr : des forces arméniennes) avec une constance qui survivra longtemps à l’occupation du Karabakh.
Dr. Pat Walsh
Publié le 21 février 2021