
Les Azerbaïdjanais célèbrent aujourd’hui le 102e anniversaire de la fondation de la République démocratique d’Azerbaïdjan.
A l’occasion de la 102e commémoration de la Journée de la République d’Azerbaïdjan, la Fédération des Associations Turques de Suisse Romande (FATSR) tenait à adresser ses meilleurs vœux de bonheur et de prospérité au peuple azerbaïdjanais.
Pour rappel, c’est à la suite de la dissolution de l’Union des Républiques socialistes soviétiques (URSS), que la Turquie fut l’un des premiers pays à reconnaître l’indépendance de l’Azerbaïdjan, de la Géorgie et de l’Arménie.
Sans vouloir rentrer dans des considérations géopolitiques liant les deux pays que sont la Turquie et l’Azerbaïdjan – « une nation, deux Etats » — nous avons tenu à mettre en avant un bref historique concernant la fondation de la République démocratique d’Azerbaïdjan. A cet effet, nous vous proposons un texte publié à l’origine en anglais par le site d’information Eurasia Diary, une plateforme qui œuvre pour une solution pacifique des conflits.
République démocratique d’Azerbaïdjan – ce que les experts politiques et les historiens disent de la première république dans le monde musulman oriental.
Le 28 mai est le 102e anniversaire de la fondation de la République démocratique d’Azerbaïdjan, qui est la première République laïque et moderne de l’Orient musulman. Les fondateurs de la République démocratique étaient des intellectuels éduqués en Russie et en Europe.
L’effondrement de l’Empire russe et la prise du pouvoir par les Bolcheviks ont entraîné le renforcement des mouvements politiques entre trois nations du Caucase du Sud – en particulier les Azerbaïdjanais, les Géorgiens et les Arméniens.
Au début de 1918, la République fédérative démocratique de Transcaucasie fut établie par les groupes d’intellectuels et de politiciens azerbaïdjanais, géorgiens et arméniens, et chaque délégation fut appelée à représenter les intérêts de leur propre nation au sein de l’assemblée de la République fédérative. Cependant, la République fédérative ne survécut qu’un ou deux mois en raison d’affrontements internes.
À la suite de l’effondrement de la République fédérative démocratique de Transcaucasie, les intellectuels azerbaïdjanais se réunirent sous la direction de Mohammed Emin Résulzadé, le leader national du peuple azerbaïdjanais qui fonda le Conseil national le 27 mai 1918 dont la présidence reviendra à Résulzadé.
Mohammed Emin Résulzadé
(31 janvier 1884 à Novkhana/Novxanı – 6 mars 1955 à Ankara, Turquie)
était une personnalité politique de l’Azerbaïdjan, un penseur, et est considéré comme un des pères fondateurs de la première république démocratique du monde musulman.
Le 28 mai, le Conseil national adopte une déclaration sur la création de la République démocratique d’Azerbaïdjan, déclaration composée de six dispositions confirmant l’intégrité territoriale, la souveraineté et la juridiction de la République démocratique d’Azerbaïdjan, déterminant l’identité de la nation azerbaïdjanaise et reconnaissant les droits et libertés fondamentaux de toutes les minorités ethniques et groupes religieux vivant en Azerbaïdjan.
La première ville proclamée comme capitale de l’Azerbaïdjan fut Ganja, mais suite à la défaite des militants bolcheviks et dachnaks par l’armée de l’Islam du Caucase composée de soldats ottomans et azerbaïdjanais, elle fut transférée à Bakou.
C’est le 7 décembre 1918 que le Parlement de la République démocratique d’Azerbaïdjan fut institué. Ce dernier comprenait diverses fractions politiques et des groupes ethniques minoritaires, tels que, respectivement, le parti Musavat, l’Unité socialiste, l’Unité islamique, ou encore les Russes, les Juifs et les Dachnaks de la Fédération révolutionnaire arménienne, créée en 1890 et qui existe encore de nos jours.
À l’occasion de la journée du 28 mai (2020), le portail EDNews.net a relayé les opinions des experts politiques et des historiens qui ont été invités à s’exprimer, sur la création de la République démocratique d’Azerbaïdjan en 1918.
Selon le point de vue de l’expert et journaliste britannique Neil Watson, la République démocratique d’Azerbaïdjan aurait été une référence pour le monde musulman oriental mais aussi pour de nombreux pays occidentaux.
Le journaliste britannique s’exprimera en ces termes : « À mon avis, la fondation de la République démocratique d’Azerbaïdjan par Résulzadé, qui était basée sur des modèles occidentaux, a établi la référence pour le monde musulman oriental et aussi pour de nombreux pays occidentaux ».
« Le droit de vote a été étendue à toutes les femmes de plus de 18 ans, bien avant le Royaume-Uni, les États-Unis, la France et de nombreux autres pays”, a-t-il ajouté (ndlr : faisant ainsi de l’Azerbaïdjan le premier pays à majorité musulmane à accorder le droit de vote aux femmes).
Neil Watson regrettera également que les puissances occidentales n’aient pas cherché à entraver l’occupation de l’Azerbaïdjan par l’Armée rouge.
« Il est très regrettable que l’Azerbaïdjan ait été abandonnée, à l’époque, par les puissances occidentales, permettant ainsi son invasion par l’Empire soviétique en 1920 », notera-t-il.
Historien français et spécialiste des relations diplomatiques franco-turques, Maxime Gauin estimera quant à lui que le 28 mai est une date remarquable dans l’histoire de l’Azerbaïdjan. L’historien considère que la création de la République démocratique d’Azerbaïdjan a conduit à l’affirmation de la nation azerbaïdjanaise en tant qu’État distinct.
« Le 28 mai est l’une des dates décisives de l’histoire contemporaine de l’Azerbaïdjan, car la fondation de la première République indépendante a conduit à l’affirmation de la nation azerbaïdjanaise en tant qu’État distinct. C’est le résultat du mouvement national depuis le XIXe siècle ainsi que de la guerre civile russe », soulignera Maxime Gauin qui précisera que « la République démocratique d’Azerbaïdjan est la première république laïque du monde musulman, plus particulièrement à l’intersection de la Russie, des mondes turcs et perses ».
L’historien français, Maxime Gauin, notera également que les réalisations — comme le vote des femmes et la création de la première université de Bakou — étaient des faits remarquables, d’autant plus si l’on considère les difficultés extraordinaires rencontrées par les dirigeants de la République à l’époque.
« Malgré sa courte durée, la première République a influencé Kemal Atatürk pour ses réformes en Turquie et la mémoire de la République a pu ‘etre conservée par des intellectuels émigrés en Turquie et dans les pays d’Europe occidentale », ajoutera Maxime Gauin.
Quant à l’historien irlandais Patrick Walsh, il déclarera que « le 28 mai est une date très importante dans l’histoire de l’Azerbaïdjan. C’est, à l’évidence, le jour où le Conseil national a déclaré l’Azerbaïdjan comme étant une nation indépendante ».
Selon le point de vue du Dr. Walsh, la Grande Guerre de 1914 et l’effondrement de l’État russe en pleines hostilités ont engendré des changements profonds et qu’ils ont eu pour conséquence d’obtenir l’indépendance permettant ainsi la survie de la communauté dans une situation cataclysmique.
« Les dirigeants azerbaïdjanais avaient tenté d’élever leur peuple au sein de la nouvelle démocratie issue de la révolution russe de février 1917, mais cela est devenu impossible lorsque le gouvernement provisoire s’est révélé incapable de gouverner efficacement l’État », précisera Patrick Walsh.
« Après l’arrivée au pouvoir des Bolsheviks lors de la révolution d’octobre 1917, les dirigeants azerbaïdjanais ont tenté de partager le pouvoir au sein du Seim transcaucasien (ndrl : Assemblée délibérative) avec leurs voisins, les Géorgiens et les Arméniens. Cependant, cela s’est avéré impossible pour un certain nombre de raisons », a-t-il ajouté.
De plus, l’historien irlandais décrit les fondateurs de la République démocratique comme des nationalistes modérés et prudents. Il précisera que les Turcs du Caucase n’étaient pas des nationalistes agressifs contrairement aux Dachnaks arméniens pendant la même période.
Impressions du voyage en Azerbaïdjan de Robert Scotland Liddell, journaliste et photographe anglais, et synopsis d’articles sur l’Azerbaïdjan dans la presse française tels que publiés dans « L’Europe orientale : pour la défense des nouvelles Républiques d’Orient », N° 9-10 (pp. 45-48), 1-16 janvier 1920, Paris.
« Les hommes qui ont formulé la déclaration [d’indépendance] étaient des nationalistes très modérés et même posés. Ils venaient d’une époque qui était constituée plutôt d’empires que de nations et d’un peuple qui avait un caractère riche et complexe avec des liens étroits avec le monde turc, persan et musulman par extension. Le nationalisme est souvent un processus de simplification et les musulmans du Caucase étaient réticents à devenir des nationalistes obtus comme l’étaient les Dachnaks arméniens » soulignera Patrick Walsh.
En outre, Walsh partagera son point de vue sur les institutions de la République démocratique d’Azerbaïdjan. Selon lui, le système politique et administratif tel qu’il était appliqué lors la première République était fondé sur des valeurs et des principes européens.
« Le nouvel état pris un bon départ quant à la mise en place d’institutions démocratiques, avec des sièges réservés à toutes les communautés au sein du Parlement, et il devint l’un des rares états au monde à émanciper les femmes (et il a été le premier dans la région). Des institutions étatiques fonctionnelles ont été constituées, des relations extérieures établies et l’on avait commencé à mettre sur pied une armée plus organisée en collaboration avec les Britanniques et les Géorgiens », ajoutera Patrick Walsh.
Un autre expert politique, Peter Tase, spécialiste des études azerbaïdjanaises, a également partagé son analyse à l’occasion de ce 102e anniversaire de la République démocratique d’Azerbaïdjan. Le chercheur américain décrira la Journée du 28 mai comme étant un grand desideratum du peuple azerbaïdjanais pour l’indépendance, pour la mise en place d’institutions démocratiques et pour la souveraineté territoriale.
« La République démocratique d’Azerbaïdjan, établie en mai 1918, est un accomplissement important dans la sphère nationale mais également sur la scène internationale » déclarera Peter Tase.
Ayant fait des recherches sur les relations extérieures de la République démocratique d’Azerbaïdjan, l’analyste politique évoquera une réunion officielle entre les représentants de la République démocratique et l’ancien Président des États-Unis, Woodrow Wilson, lors des pourparlers de paix de Versailles.
Peter Tase notera que « pendant cette période, nous assistons à la première rencontre entre le gouvernement de l’Azerbaïdjan et l’administration du Président Woodrow Wilson, rencontre qui laissera une impression exceptionnelle sur le président des États-Unis ».
En outre, il rajoutera qu’ « au cours de ces deux années (1918-1920), l’Azerbaïdjan s’est vu renforcée en tant que pays indépendant et que cette nation a pu démontrer au monde son profond intérêt et sa volonté de se doter d’un gouvernement démocratique, d’une souveraineté territoriale et d’un système de la fonction publique inspiré par l’Occident ».