Avant-Propos
Le Traité de paix de Lausanne (1923) contrairement au Traité de Versailles avec l’Allemagne (1919) a établi une paix durable ; il est toujours en vigueur, un siècle après ! Pourtant, bien qu’il ait été négocié en Suisse, il y est mal connu aujourd’hui. Les commémorations médiatiques ont été souvent l’occasion, du moins sur le sol helvétique, de donner la parole aux seuls ennemis de la Turquie, de publier des récriminations qui, en plus de faire peu de cas de la réalité, méconnaissaient foncièrement l’esprit de concorde et de paix qui était celui de Lausanne.
Avec quatre historiens et spécialistes de renom, la Fédération des associations turques de Suisse romande vous propose de découvrir, par le biais d’une conférence exceptionnelle, le contexte qui a précédé le Traité de paix de Lausanne, ses répercussions internationales vues sous différents angles et son actualité.
Pour ce faire, nous avons choisi un lieu et une date hautement symboliques : le Palais de Rumine à Lausanne où fut signé, le 24 juillet 1923, ce traité d’une importance majeure d’une part, et, d’autre part, la date du 29 octobre, jour de la proclamation de la République de Turquie dont on fête également le centenaire cette année.
Conférence
«1923 — Le Traité de paix de Lausanne et la naissance de la Turquie»
Les différents aspects, entre autres historiques, géopolitiques et économiques, dans lesquels il faut replacer le contexte du Traité de paix de Lausanne — un des actes fondateurs de la République de Turquie — seront abordés par les historiens et les spécialistes qui participeront à cette conférence.
Il y sera rappelé la « Question d’Orient » et l’implication des puissances européennes (principalement le Royaume-Uni, la France et la Russie) en Méditerranée orientale, profitant des difficultés de l’Empire ottoman.
Cette poussée expansionniste et colonialiste des puissances européennes, boutant le feu aux nationalismes et irrédentismes dans certaines provinces, atteindra son paroxysme avec la Première Guerre mondiale et entraînera le dépeçage et la fin de l’Empire ottoman. S’étendant de 1912, début de la première guerre balkanique, à la signature en 1923 du Traité de Lausanne, ces velléités impérialistes feront 5,5 millions de morts du côté turc.
L’instrumentalisation des peuples, les jeux des grandes puissances, les enjeux géostratégiques savamment et cyniquement mis en place à l’époque et que l’on retrouve aujourd’hui dans un Moyen-Orient à feu et à sang, nous font dire que, peut-être, la « Question d’Orient » n’est pas terminée !
Qui sont nos quatre éminents orateurs ?
Prof. Jean-Louis Chancerel
Jean-Louis Chancerel est docteur ès Lettres, psychologue et statisticien. Il est Président des professeurs retraités de la Haute École Pédagogique du canton de Vaud. Il a notamment enseigné dans les universités de Haute-Bretagne II, Neuchâtel, Paris XIII, Lausanne, Paris II Panthéon-Sorbonne. Expert dans les systèmes de formation, il a été membre de groupes de travail au Conseil de l’Europe et à l’OCDE.
Thématique :
« Des Empires aux États (1815-1923) : la République de Turquie dans le concert des États. Quelques réflexions sur l’avenir des États »
Pendant des siècles, le monde a été organisé en Empires avant de trouver dans l’État-nation une forme qui s’est progressivement imposée comme une disposition organisant les territoires sur la planète au point de devenir le modèle de référence. Depuis les débuts du XIXe on assiste à une remise en cause des Empires et à la naissance d’États.
La Première Guerre mondiale a vu la chute des Empires et la naissance d’États. L’Empire ottoman disparu, il a fallu créer un État turc : la République de Turquie suite logique du Traité de paix de Lausanne (1923).
La conférence se veut de replacer cette naissance dans une évolution générale des territoires et ses conséquences encore actuelles.
Prof. Patrick Walsh
Patrick Walsh est historien, analyste politique et enseignant. Il a écrit un certain nombre d’ouvrages sur la période 1890–1920 et s’intéresse particulièrement à la politique étrangère britannique, à la Première Guerre mondiale, à la Turquie ottomane, à la Russie, à l’Arménie et à l’Azerbaïdjan. Une partie de ses travaux et de ses publications est consultable sur son site internet.
Sa dernière publication est « Great Britain against Russia in the Caucasus » (2020) et son livre sur la deuxième guerre du Karabagh, « 44 Days : Karabakh from Occupation to Liberation » sera publié en février 2024.
Patrick Walsh travaille actuellement sur une biographie du colonel Claude Bayfield Stokes et le séjour de celui-ci en Perse et dans le Caucase du Sud. Il a également publié des ouvrages sur l’histoire de l’Irlande et le conflit en Irlande du Nord.
Patrick Walsh est titulaire d’un doctorat de l’Université Queen’s de Belfast, département des sciences politiques, et d’une licence (avec mention) de l’Université de Londres en géographie/histoire. Il a participé à de nombreuses conférences universitaires en Turquie, en Azerbaïdjan, au Royaume-Uni, aux États-Unis et au Canada, a écrit pour un certain nombre de publications et a participé à des émissions d’actualité à la télévision dans différents pays.
Il enseigne actuellement sur des sujets comme la gouvernance et la politique, l’économie, l’histoire et la géographie à Belfast.
Thématique :
« Traités et nations : le parallèle turco-irlandais » (en anglais)
Notre orateur évoquera les parallèles remarquables entre les expériences irlandaise et turque de résistance aux traités impérialistes et de la construction d’un État-nation entre 1919 et 1923.
Il décrira également son étonnante découverte d’un récit irlandais expliquant comment l’exploit de Mustafa Kemal Atatürk a été une source d’inspiration pour la lutte en faveur d’un État irlandais indépendant.
Prof. Maxime Gauin
Maxime Gauin a obtenu son Master II à Paris-I-Sorbonne en 2010 (mention très bien). Il est actuellement maître de conférences à l’université ADA (Bakou-Azerbaïjan). Il a consacré sa thèse de doctorat en histoire aux « Relations entre la République française et les comités arméniens, de 1918 à 1923 ». Il est l’auteur de nombreux articles et contributions à des ouvrages collectifs sur le nationalisme arménien, l’Empire ottoman, la Turquie et la politique des grandes puissances dans la région. Maxime Gauin a participé à de nombreux colloques, séminaires et conférences en tant qu’orateur, notamment en France, Grande-Bretagne, Suisse, Autriche, Lituanie, Turquie et aux États-Unis. Il anime également un blog consacré à la question arménienne.
Thématique :
« La question de la souveraineté turque à Lausanne »
Maxime Gauin expliquera que contrairement à une légende tenace, la conférence et le Traité de Lausanne ont surtout confirmé les frontières de la Turquie plus qu’ils ne les ont tracées. La question des frontières orientales et méridionales avait été réglée par le Traité de Kars et par l’accord d’Ankara, tous deux signés en octobre 1921. Il n’a pas été question, à Lausanne, de revenir là-dessus.
La récupération de la Thrace orientale avait été actée par les propositions d’armistice décidées lors de la Conférence de Paris en septembre 1922, puis par l’armistice lui-même, signé le mois suivant. La seule modification introduite dans le traité fut l’annexion du faubourg de Karaağaç, comme compensation des dévastations par les forces grecques. Dès lors, les discussions ont largement porté sur le degré de liberté du gouvernement turc à l’intérieur de ses frontières.
Prof. Tolga Yarman
Tolga Yarman est diplômé de l’Institut national des sciences appliquées de Lyon (France) en Ingénierie énergétique, M.Sc. (1967), de l’Institut de l’Energie nucléaire de l’Université technique d’Istanbul (UTI), M.Sc. (1968). Il est également Docteur Es-Science en Génie atomique du Massachusetts Institute of Technology (1972).
En 1977, Tolga Yarman a été rapporteur Général de la Xème Conférence mondiale de l’énergie en section ressources énergétiques non conventionnelles. La même année, il est nommé professeur associé et professeur avec chaire en 1982, à l’Institut de l’énergie nucléaire de l’UTI.
Nommé Doyen de l’École supérieure des sciences de l’Université d’Anadolu à Eskisehir en 1983, il a été invité par le Council for International Exchange of Scholars à Washington, D.C., au Département des sciences de l’ingénierie du California Institute of Technology en 1984.
Choisi comme Conseiller pour représenter le Ministère de la Culture de la République de Turquie à Bruxelles entre la période 1994-1997 pendant laquelle il donne des cours à la Faculté des sciences de l’Université Libre de Bruxelles.
Tolga Yarman a enseigné plusieurs cours en génie énergétique, sciences et ingénierie nucléaires, thermodynamique, principes fondamentaux de la physique, physique nucléaire, etc., au Département de génie chimique de l’UTI, à l’Institut d’énergie nucléaire, Université Technique du Moyen-Orient, ainsi qu’à l’université de Bogazici, l’Université d’Anadolu, l’Université d’Istanbul, l’Université d’Işık. l’Université de Galatasaray et à l’Université d’Okan d’Istanbul où il professe actuellement.
Pendant près de trente ans, Tolga Yarman a également dispensé, à l’Académie des forces armées d’Istanbul, des cours sur la course aux armements nucléaires, l’industrie de la défense, les technologies avancées et sur le transfert de technologie.
Scientifique mais également féru d’histoire et de géopolitique, Tolga Yarman a développé un intérêt particulier sur les rivalités entre les puissances dans leur quête aux ressources énergétiques qui ont été, et sont encore, la cause des bouleversements géopolitiques majeures dans le monde.
Thématique :
« La Première guerre mondiale est en fait, la Première guerre sur les ressources énergétiques mondiales, surtout celles du Moyen-Orient »
Les Alliés, ainsi que l’Allemagne, étaient au courant du fait que les régions du Moyen-Orient, appartenant, à l’époque, à l’Empire Ottoman regorgeaient de richesses en énergie fossile ce qui n’était pas le cas de l’Europe en pleine révolution industrielle.
C’est dans cette course aux ressources énergétiques que l’Allemagne a obtenu du Sultan ottoman le privilège de construire le fameux Bagdadbahn, la ligne ferroviaire stratégique — un pont vers le pétrole — qui devait relier Constantinople à Bagdad. Les Allemands n’atteindront jamais Bagdad et, ironie de l’histoire, ce sont les Anglais qui termineront la ligne en question.
Tolga Yarman se penchera également sur la logique de considérer l’attaque navale des Alliés aux Dardanelles de 1915–1916 (appelée « Campagne des Dardanelles » (ou Çanakkale Savaşı en turc) comme une tentative de mettre un terme à l’entreprise allemande du chemin de fer Berlin – Bagdad, en coupant sa connexion entre les gares stambouliotes de Sirkeci et d’Haydarpasha séparées par le Bosphore.
Pour Tolga Yarman, il est tout à fait rationnel de considérer dans ce contexte l’armement des milices arméniennes à l’Est de l’Anatolie comme une stratégie évidente développée par les ministères des affaires étrangères et les états-majors — à Londres et à Paris principalement — afin d’affaiblir les forces ottomanes dans la défense de la péninsule de Gallipoli.
De plus, les Alliés, en attaquant les Dardanelles et en déstabilisant l’Anatolie orientale, ont pu facilement neutraliser les forces ottomanes, au Moyen-Orient.
Dans son exposé, Tolga Yarman dévoilera les trois stratégies fondamentales de la Première Guerre mondiale (mentionnées nulle part) qui étaient visées.
Zeynep Ersan — Modératrice
Notre conférence sera modérée par Mme Zeynep Ersan.
Auteure de « Turquie – Un pont entre deux mondes » — un ouvrage composé d’une évocation historique et augmenté d’interviews d’experts de la Turquie — Zeynep Ersan a été directrice et rédactrice en chef du magazine Bon à Savoir, puis Directrice business développement du média Le Temps. Elle est aujourd’hui associée chez Dynamics Group, cabinet conseil en communication stratégique, gestion de crise et public affairs.
Alican Süner — Notre soliste pour notre intermède musical
Né en 1992 à Mersin, en Turquie, le jeune violoniste Alican Süner est le premier lauréat du concours Max Rostal 2015 à Berlin et du Concorso Postacchini à Fermo, en Italie.
Il a également reçu le prix du public et le prix Freunde Junger Musiker Berlin au concours Max Rostal, où son concerto de Tchaïkovski a été diffusé par la radio culturelle allemande. Il est récipiendaire de la médaille de la présidence italienne au concours Postacchini.
Après avoir reçu ses premières leçons de violon de Lily Tchumburidze — la mère de la célèbre violoniste Veriko Tchumburidze qui nous avait fait l’honneur de participer à notre concert du 15 septembre dernier dédié à la paix universelle au Casino de Montbenon à Lausanne — Alican Süner s’est produit en tant que soliste avec les principaux orchestres turcs, sous la direction d’éminents chefs d’orchestre tels que Rengim Gökmen, İbrahim Yazıcı, Naci Özgüç, Cem Mansur et Gürer Aykal.
Le violoniste poursuit actuellement ses études de soliste auprès du Professeur Nora Chastain à l’Université des arts de Berlin. Ses partenaires de musique de chambre sont Kolja Blacher, Adrian Oetiker, Silvia Simionescu, Troels Svane ou encore Nora Chastain.
Il a également suivi des cours des masterclasses auprès de pédagogues renommés comme Pierre Amoyal et Ana Chumachenko.
Informations pratiques
Cette conférence se tiendra le dimanche 29 octobre 2023, à 17h00 (ouverture des portes dès 16h15) à la salle « Aula » du Palais de Rumine à Lausanne.
La conférence sera enrichie d’un intermède de musique classique. Un cocktail sera offert dans « l’Atrium » situé au 5è étage du palais qui hébergera, à cette occasion, l’exposition « Un siècle de paix » concoctée par la mairie de Sisli à Istanbul.
Palais de Rumine
Place de la Riponne 6,
1005 Lausanne
Tenue de ville exigée ; nombre de places est limité.
Entrée sur inscription préalable uniquement :
e-mail: conference-1923@fatsr.org
courrier: 9, rue de Crissier CP 204 – CH-1020 Renens
Accès
En transports publics :
Métro depuis la gare CFF
Métro M2, direction Croisettes : Arrêt Riponne-M. Béjart
En bus :
Bus n°1, 2, 7, 8, 16, 18, 60, Métro M2 : Arrêt Riponne-M. Béjart
En voiture :
Parking couvert (payant) place de la Riponne (à 100 m du Palais de Rumine)