Notre objectif, Monsieur le Premier ministre, est l’abrogation des accords de Zurich et de Londres, afin de permettre au peuple chypriote grec de définir son propre avenir, en consultation avec la Mère patrie, la Grèce. »
Lettre officielle, datée du 1er mars 1964, de l’archevêque Makarios à Georgios Papandréou, Premier ministre grec.
(Source : Cyprus Mail – “Sowing the Seeds of Evil – Cyprus 1959-1964” – 18.07.2021)
Il y a un demi-siècle, en réponse à un coup d’Etat sanglant orchestré par l’organisation nationaliste chypriotes-grec EOKA-B (organisation nationale des combattants chypriotes, pro-grecque) et par la junte militaire en Grèce contre le président élu, l’archevêque Makarios, visant à rattacher par la force l’île de Chypre à la Grèce, la Turquie mena, en tant que « puissance garante », c’est à dire en stricte conformité avec les Accords de Londres et de Zurich de 1959 et avec les dispositions imposées par le traité de garantie, signé le , une intervention militaire, intitulée « Opération de paix », dans le but de protéger la communauté turque des massacres et de mettre un terme à la tentative d’unification illégale de l’île avec la Grèce (rattachement appelé par les Grecs « l’Enosis » ou « l’Union »).
Tout au long de mon existence, je n’ai jamais rencontré un tel désastre, une telle barbarie. Jamais je n’ai été témoin d’une telle chose dans ma vie. Je suis très heureux que l’on nous ait confié la lourde tâche d’enquêter sur ces incidents. Parce que, le monde entier aura appris cette sauvagerie de la bouche de la Force de paix. »
Lars Harkanson, Représentant des Nations Unies pour le maintien de la paix à Chypre (octobre 1974)
La junte grecque qui gouvernait alors la Grèce et le gouvernement chypriote avaient intensifié leur politique d’expulsion et d’extermination des Chypriotes turcs commencée dès le milieu des années 50. On se souviendra de leur devise :
Il n’y a pas de place sur cette île pour quiconque ne pense et ne se sent pas constamment grec ».
L’opération éclair, qui eu pour conséquence d’éviter un génocide, se termina le 30 juillet 1974 par l’instauration d’une « zone de sécurité » sous le contrôle de l’ONU le long de la « ligne verte » qui séparait depuis 1964 les deux communautés, l’armée turque contrôlant près de 37% de l’île.
En cette journée du 20 juillet, la Fédération des Associations Turques de Suisse Romande (FATSR) tient à exprimer sa gratitude aux forces armées turques qui ont menées une intervention militaire unique qui protégea, de facto, la minorité turque de l’île et plus généralement, les droits de l’Homme et la démocratie à Chypre. Dans l’histoire moderne, seul un autre cas similaire peut être cité : l’intervention britannique dans les îles Falkland de 1982 qui a contribué, un an plus tard, au renversement de la dictature en Argentine.
La FATSR soutient également la mission de la Turquie de mettre fin aux embargos économiques et culturels à l’encontre de la République turque de Chypre du Nord (RTCN) perpétués par le biais d’une politique raciste et ethnocentrique du gouvernement chypriote grec.
Même si les Chypriotes grecs veulent toujours imposer une fédération sous l’autorité d’un Etat central qu’ils contrôleraient – ce que refusent les Chypriotes turcs qui veulent des pouvoirs équivalents à la partie grecque – nous estimons, pour notre part, que le difficile exercice d’un règlement global de la crise chypriote, aggravée par de récentes tensions relatives à l’exploitation de gisements gaziers, est encore possible. Certes, une série de tentatives pour réunifier l’île ont échoué par le passé. On se souviendra, entre autres, du plan de l’ONU dit « Plan Annan », soutenu par la communauté internationale et soumis par référendum, qui sera largement accepté par les Chypriotes turcs (à près de 65%), mais malheureusement rejeté le 24 avril 2004 par la communauté grecque (à près de 76%). La réunification de l’île fut compromise par l’assurance donnée à Nicosie d’une adhésion de Chypre à l’Union européenne, sous la seule autorité grecque et ce quel que fût le résultat du référendum; le moindre que l’on puisse dire est que ce blanc-seing donné aux Chypriotes grecs ne les aura pas poussé au compromis: ces derniers intégreront l’Union européenne un mois plus tard !
S’il y a quelques années encore, des pourparlers ont eu lieu, en Suisse notamment – sans donner de résultats probants – nous souhaitons la poursuite des négociations de paix en vue d’aboutir à une solution juste au problème de Chypre où la sécurité des Chypriotes turcs, traumatisés par les massacres dont ils ont été victimes durant des décennies, serait assurée. Il faut se rappeler que si la partie grecque de Chypre voit sa sécurité garantie par son appartenance à l’UE, les Chypriotes turcs n’ont guère d’autre issue que de s’en remettre à la Turquie pour la leur.
Même s’il est illusoire de s’en remettre à la bonne volonté de la partie chypriote grecque — avec laquelle les Chypriotes turcs négocient depuis 1963 — la paix reste encore possible. Cependant, chacun doit savoir que la fenêtre d’opportunité ne restera pas indéfiniment ouverte. En effet, le principe initial d’une autodétermination dans le cadre d’une fédération bi-communale et bi-zonale basée sur l’égalité entre les peuples de l’île semble, aujourd’hui, dépassé.
En ce jour anniversaire, nous tenons à féliciter les Chypriotes turcs pour leur courage et leur volonté d’accéder à leur propre pays pour y vivre en paix et en sécurité.