Avant-propos
Comme chaque année, nous commémorons la victoire turque du 30 août 1922, sur les forces d’invasion grecques.
Si nous avions déjà évoqué ce sujet dans trois précédentes éditions (voir : « Centenaire de la Victoire du 30 août 1922, jour de la victoire de la bataille de Dumlupınar sur les Grecs», « Réponse à l’invasion grecques de la Turquie “la Grande offensive de 1922, prélude à la Fête de la Victoire du 30 août » et « Fête de la Victoire du 30 août – 30 Ağustos Zafer Bayramı »), il nous paraissait néanmoins important de rappeler à nos lecteurs le sens et l’importance de cette bataille dont la portée va bien au-delà d’un conflit entre deux forces armées.
Les origines de la guerre
Le 15 mai 1919, à l’aube, l’armée grecque débarque à Izmir, prétextant des menaces imaginaires sur la population chrétienne. Les massacres et pillages (environ trois cents à quatre cents Turcs tués), par des soldats et civils grecs (et, dans une moindre mesure, par certains Arméniens locaux) suscitent de telles protestations, de la part des diplomates occidentaux, qu’une commission d’enquête franco-anglo-italo-américaine est créée. Elle rend son rapport en octobre. Elle conclut, notamment :
N° 1. — Depuis l’armistice la sécurité des chrétiens n’était pas menacée dans le vilayet d’Aïdin [c’est-à-dire la province d’İzmir, Aydın étant le nom d’une autre ville de la région, qui lui donnait son nom à l’époque ottomane, malgré une importance moindre]. Les craintes de massacres de chrétiens n’étaient pas justifiées. Des enquêtes prouvent que les proclamations appelant les musulmans au massacre des Grecs qui, quelques semaines avant le débarquement, sont tombées entre les mains des autorités grecques et ont été envoyées à Athènes n’ont pas été écrites par les officiers de gendarmerie turque dont les signatures figurent sur ces pièces. Ces pièces ne sont pas certainement authentiques.
N° 2. — Les conditions de sécurité dans le vilayet d’Aïdin et à Smyrne en particulier ne justifiaient point l’occupation des forts de Smyrne par application de l’article 7 des clauses de l’armistice. »
La commission s’intéresse aussi aux tueries qui ont suivi, plus à l’intérieur des terres. Pour ne citer qu’un exemple :
Le 17 juin, après l’évacuation de Pergame, les troupes grecques rassemblées à Ménémen se sont livrées, sans raison sérieuse, à un véritable massacre de Turcs inoffensifs. […] D’après l’enquête faite dès le lendemain de l’événement par un officier français, le nombre des victimes turques seraient de 200 tués et 200 blessés. »
Le gouvernement britannique tente d’empêcher la publication de ce document (pourtant cosigné par un général de Sa Majesté). Le gouvernement français le fait publier dans le quotidien L’Éclair et le docteur Nihat Reşat (Belger), futur ministre turc de la Santé, l’édite à Paris et le fait distribuer aussi à Londres.
C’est dans ce contexte que Mustafa Kemal (Atatürk), qui se préparait depuis l’automne 1918, lance la guerre de libération nationale, ralliant à lui toutes les bonnes volontés. Dès juin 1919, grâce à ses liens personnels avec le comte Carlo Sforza, haut-commissaire italien à Istanbul et futur ministre des Affaires étrangères (avant de s’exiler sous Mussolini), Kemal (Atatürk) obtient des armes italiennes.
Le criminel traité de Sèvres et la lutte du mouvement national turc
Le 10 août 1920, à la suite de l’insistance du gouvernement de David Lloyd George (qui n’écoute ni ses alliés français et italiens, ni même une partie de son propre gouvernement), est signé le traité de Sèvres, qui prévoit, entre autres, de prendre aux Turcs la province d’Izmir et la quasi-totalité de la Thrace orientale. Le haut-commissaire français à Istanbul le qualifie de « criminel [1] ».
Toutefois ce traité s’effondre dès l’automne : la République d’Arménie, qui avait commencé à attaquer en Anatolie orientale, pour appliquer le traité de Sèvres avant même de l’avoir ratifié, provoque ainsi une contre-offensive fulgurante ; elle est battue à plate couture et doit signer, dans la nuit du 2 au 3 décembre, le traité de Gümrü (Gyumri), par lequel elle renonce à Sèvres (en sachant que le traité du 10 août 1920 laissait l’établissement de la frontière turco-arménienne à un arbitrage du président américain Woodrow Wilson, arbitrage que Wilson ne notifie officiellement que le 6 décembre, soit plus de trois jours après avoir perdu tout droit à dire son mot là-dessus). Toujours en novembre, les partisans du roi Constantin de Grèce, organisateur du massacre des marins français à Athènes, le 1er décembre 1916, et beau-frère de l’empereur Guillaume II, remportent les élections législatives en Grèce. Le nouveau gouvernement hellénique tente une offensive en janvier 1921, mais c’est un échec.
La conférence de Londres, en février-mars 1921, fait des concessions aux Turcs, notamment sur Izmir et sur ses forces militaires, mais même ces modifications relativement modestes suscitent un refus catégorique du gouvernement d’Athènes, ainsi d’ailleurs que du plus large secteur de l’opposition. L’offensive grecque de mars-avril 1921 échoue à son tour. Les forces militaires grecques (armée hellénique, irréguliers grecs d’Anatolie et volontaires arméniens) passent alors leur colère sur les civils turcs. La journaliste française Berthe Georges-Gaulis, veuve de son confrère suisse Georges Gaulis, explique :
J’arrivais, en droite ligne, du champ de bataille d’In Eunu. Je venais de le parcourir. J’avais traversé d’un bout à l’autre les premières lignes d’Ismet pacha et constaté de visu les pertes de l’armée grecque, lu, sur le terrain même, les épisodes de sa fuite éperdue qui avait semé sur la route jusqu’aux brancards de ses blessés; mais, ce dont je gardais la vision affreuse, — je l’ai encore devant les yeux, — c’était cet anéantissement total de la zone évacuée deux ou trois jours auparavant : Seud, Kuplu, Biledjik, Yeni-Chéir, Pazardjik, Iné-Gueul, Bozuk, d’une extrémité à l’autre de cette courbe qui encerclait Eski-Chéir, j’avais vu le saccage organisé, touché les ruines, compté les victimes, entendu les survivants. J’avais écouté les chouettes hululer sur les pierres calcinées de Seud, sous lesquelles s’amassaient encore les cadavres ; j’avais vu pleurer les derniers habitants de Biledjik, et, après plusieurs jours passés à Eski-Chéir, je venais de dire à Ismet pacha : “Que peut m’apprendre de plus Angora ? N’ai-je pas traversé pendant des semaines vos convois d’émigrés, touché leur misère ?” Il avait répondu : “Non, tant que vous ne l’aurez pas vu, lui, vous ne pouvez réellement tout comprendre. Allez à Angora, écoutez-le, observez-le, et vous saurez alors jusqu’où nous pouvons aller [2].” »
Toujours au printemps 1921, mais cette fois au bord de la mer de Marmara, c’est un carnage de sang-froid qui a lieu, pour obtenir davantage encore que le traité de Sèvres. Le courageux Suisse Maurice Gehri, enquêteur de la Croix-Rouge internationale, écrit ainsi dans son rapport, publié la même année :
L’enquête a été menée d’une manière impartiale. Tous les témoignages qui s’offraient, tant grecs et arméniens que turcs, ont été entendus. La mission est arrivée à la conclusion que des éléments de l’armée grecque d’occupation poursuivaient depuis deux mois l’extermination de la population musulmane de la presqu’île.
Les constatations faites — incendies de villages, massacres, terreur des habitants, coïncidences de lieux et de dates — ne laissent place à aucun doute à cet égard. Les atrocités que nous avons vues ou dont nous avons vu les traces, étaient le fait de bandes irrégulières de civils armés (tcheti) et d’unités encadrées de l’armée régulière. Nous n’avons pas eu connaissance de cas où ces méfaits aient été empêchés ou punis par le commandement militaire. Les bandes, au lieu d’être désarmées et dissipées, étaient secondées dans leur action et collaboraient la main dans la main avec des unités régulières encadrées. »
La conférence de Paris, en juin, tenant compte des défaites à répétition de la Grèce et des demandes franco-italiennes pour une paix juste, va un peu plus dans le sens des revendications turques ; mais Athènes ne veut toujours rien entendre et déclenche une troisième offensive, de juillet à septembre 1921. Non sans difficultés, certes, la capacité offensive des forces helléniques est brisée à la bataille de Sakarya. Toujours en septembre 1921, les représentants de Kemal (Atatürk) à Istanbul signent un accord le haut-commissaire français, le général Maurice Pellé, pour l’achat d’armes et de munitions [3]. Puis, en octobre de la même année, l’ancien et futur député Henry Franklin-Bouillon signe, au nom du gouvernement d’Aristide Briand, un autre accord, pour le retrait des troupes françaises de la région d’Adana. Oralement, la fourniture (cette fois gratuite) d’armes et de munitions supplémentaires est conclue. Elle est confirmée en janvier 1922 [4] et appliquée dans les mois suivants. L’évacuation, quant à elle, se produit de novembre 1921 à janvier 1922.
De l’échec de la diplomatie au succès militaire
Successeur d’Aristide Briand à la tête du gouvernement français (janvier 1922 – juin 1924), Raymond Poincaré tente de mettre fin aux hostilités par la diplomatie. À la conférence de Paris, en janvier 1922, il obtient que le gouvernement britannique cosigne une reconnaissance de la souveraineté turque sur l’ensemble de l’Anatolie, d’Izmir à Van, mais Lord Curzon, ministre des Affaires étrangères du Royaume-Uni, s’obstine à refuser que figure dans les propositions d’armistice une restitution de toute la Thrace orientale, ne concédant qu’une part très minoritaire. Les tergiversations de Londres, qui agacent Paris, sont, d’ailleurs, rapportées dans la presse française, notamment dans le quotidien L’Avenir dans son édition du 9 septembre 1922.
Le gouvernement d’Ankara craint, à bon droit, que l’évacuation de l’Anatolie soit une manœuvre pour permettre à l’armée grecque de se concentrer en Thrace orientale, d’en garantir l’annexion par la Grèce et de servir de menace qui serait brandie par Londres lors des discussions sur (notamment) le statut des Détroits. La situation s’enlise sur le terrain diplomatique. Dans le même temps, de nouvelles armes françaises et italiennes destinées aux forces turques débarquent en Anatolie.
C’est alors que l’alliance anglo-turque multiplie les faux-pas. Le 30 juillet 1922, le gouvernement grec proclame l’autonomie de « l’Ionie » (la province d’Izmir), le 4 août, David Lloyd George, Premier ministre britannique, déchire les propositions d’armistice de mars (plus de garantie pour la souveraineté turque à Izmir) ; dans le même temps, l’armée hellénique tente un mouvement pour s’emparer d’Istanbul, sous occupation anglo-franco-italienne (avec une présence américaine) depuis l’hiver 1918-1919. C’est le moment choisi par Kemal (Atatürk) pour attaquer par surprise sur le point le plus faible d’un front anatolien dégarni par l’armée grecque, à cause justement de ce mouvement sur Istanbul. Les grandes opérations commencent le 26 août. Après des revers dès le premier jour, l’armée grecque est écrasée le 30 août [5]. Dès le 3 septembre, Athènes fait savoir son intention d’évacuer intégralement l’Anatolie occidentale.
La politique gréco-arménienne de la terre brûlée
Nous arrivons à l’aspect le plus pénible de notre exposé : la politique gréco-arménienne de la terre brûlée, encore plus radicale qu’en 1921. Voici, par exemple, des extraits de la correspondance échangée entre les responsables de la compagnie de chemin de fer Smyrne-Cassaba et prolongements (société alors française, plus tard nationalisée par la Turquie) :
Lettre du 2 septembre 1922. — En abandonnant AfiounKara-Hissar, les Grecs ont incendié la ville.
En ce qui concerne la région d’Ouchak…, le 31 août, dans la soirée, au moment où l’évacuation de tous les services de l’arrière commençait à Ouchak, les Grecs ont mis le feu à toutes leurs installations militaires. Puis, suivant un programme élaboré à l’avance, ils ont procédé méthodiquement à l’incendie de la ville au moyen de bidons à essence disposés, de place en place, dans les maisons situées dans la périphérie d’Ouchak.
Le feu a été mis à 9 heures du soir, et, à 23 heures, la ville n’était plus qu’un immense brasier.
Les Grecs ont également incendié tous les villages avoisinant Ouchak, jusqu’à Kara-Kouyou. Notre agent, M. Pereyron, a assisté aux différentes phases de ces incendies. Il a, en effet, quitté Ouchak le 31 août, à 23 heures. […]
Lettre du 4 septembre 1922. — Tous les villages à proximité de la voie ferrée, entre Ganai Keni et Alachéir, ont été brûlés.
Le village de Ganai lui-même a été la proie des flammes le 2 septembre.
Lettre du 5 septembre 1922. — Non contents d’incendier la ville et les bâtiments de la station d’Alachéir, les Grecs, en fuyant, ont pillé les habitations, massacré une partie de la population civile et violé femmes et jeunes filles.
Entre Alachéir et Molavak, tous les villages ont été incendiés à une distance de 8 à 10 kilomètres de la voie ferrée.
Lettre du 6 septembre. 1922. — Cassaba est évacuée ainsi que le matériel et les objets mobiliers. A 6 heures du soir, hier, tout le village était en flammes.
Ahmedli. — Hier, après-midi, le village brûlait.
Ourganhli. — Les déserteurs avaient, de même, mis le feu à ce village dans la journée d’hier.
Magnésie. — L’évacuation est en cours. Ce matin, à 11h30, on nous télégraphiait que les Grecs avaient mis le feu à la ville.
Ainsi que vous en aurez certainement fait la pénible constatation, par les renseignements que nous vous avons donnés jusqu’à présent, les Grecs en retraite et leurs déserteurs sèment systématiquement la ruine sur leur passage, massacrent, pillent, violent et incendient [6]. »
Les enquêteurs suisses de la Croix-Rouge internationale, Rodolphe Haccius et Henri Cuénod, témoins de la barbarie des troupes gréco-arméniennes font ce terrible constat, à la fin de 1922 :
Tous deux nous avons assisté depuis 1918 à beaucoup de calamités, mais nous n’avons jamais eu à nous occuper d’une mission plus pénible que ce pèlerinage à travers les ruines, ni connu de plus triste spectacle que l’aspect des habitants dont la physionomie traduisait l’épouvante et la stupeur [7]. »
L’ingénieur Camille Toureille, présent sur les lieux, rapporte pour sa part :
Tout a été saccagé, quel qu’en fût le propriétaire, Grec, Turc, ou autre, puis incendié. Dans les habitations turques, les habitants ont été, autant que les fuyards l’ont pu, brûlés vifs, sans miséricorde, hommes, femmes, enfants. Ils ont incendié de même les importantes et célèbres fabriques de tapis d’Ouchak.
Le produit de leurs vols chargé sur leurs épaules ou sur des animaux également volés, ils l’offraient à vil prix en arrivant aux abords de Smyrne, notamment à Cordélio, banlieue de la ville, à 15 kilomètres par le tour du golfe, ou à 4 kilomètres à vol d’oiseau. Ils apportaient ainsi tapis, couvertures, vêlements, linge, chaussures, volailles, moutons, chèvres, ânes, mulets, chevaux.
En cours de route, ils avaient détruit les splendides récoltes de raisin et de figues, richesse de Smyrne. Ils se vantaient d’avoir détruit tout ce qu’ils n’avaient pu emporter [8]. »
Sur l’incendie d’Izmir, Toureille apporte ces informations cruciales :
Aussi, dès le mois de juin, le Comité micrasiatique, composé de Grecs et d’Arméniens, et beaucoup de propriétaires grecs et arméniens, ne cachaient pas leur décision formelle et irrévocable d’incendier chacun sa maison, quels qu’en fussent les occupants, si la Grèce devait, d’une façon quelconque, évacuer Smyrne et la région, et renoncer à la souveraineté de la riche province d’Anatolie. C’était un fait connu.
Les propriétaires grecs consciencieux devaient préalablement dénoncer leurs contrats d’assurance, afin de n’être pas accusés d’avoir mis le feu à leurs maisons pour en tirer profit, ainsi que le faisaient communément les commerçants grecs à chaque instant, et de tout temps, à Smyrne. L’armée grecque avait commencé l’exécution de ce terrible programme en incendiant villes, villages, fermes et récoltes pendant sa déroute [9]. »
L’historien français Maxime Gauin, qui nous a aimablement communiqué le témoignage de Toureille, a bien voulu ajouter un extrait d’un document américain, inédit celui-là : le témoignage écrit de Chester Griwold, directeur de la succursale à İzmir de la MacAndrews & Forbes company [10].
Comme je n’ai pas vu l’incendie commencer, je ne puis apporter de preuves directes à cet égard. Ce que je sais, en revanche, c’est que les Grecs ont fait un effort appuyé pour organiser une bande devant brûler Smyrne, dans le cas où les troupes helléniques devraient partir, et j’ai entendu plusieurs officiers grecs déclarer que les Arméniens brûleraient la ville si les Grecs n’en avaient pas le courage. Il est par ailleurs établi, sans laisser de place au doute, que l’incendie s’est déclaré dans le quartier arménien, en plusieurs endroits au même moment, et que des efforts considérables ont été faits par les Turcs pour sauver diverses parties de la commune. »
Ces observations vont dans le même sens que diverses enquêtes, par exemple celle menée par l’envoyé spécial du quotidien parisien Le Matin et celle de l’amiral Charles Dumesnil.
Conclusion
Cette victoire, chèrement acquise, fut celle de la liberté, de la dignité, voire de l’existence même du peuple turc.
Comme l’observait, à la fin des années 1920, la Genevoise Noëlle Roger, épouse du célèbre l’anthropologue et ethnographe Eugène Pittard :
Pourrait-on croire que cette petite ville de Nazeli sur le Méandre, toute neuve, aux rues droites, plantées déjeunes eucalyptus, aux maisons pimpantes, n’était, il y a six ans, qu’un monceau de ruines? Les Grecs, en se retirant, n’en laissèrent pas pierre sur pierre. Les habitants durent loger dans les baraques du Croissant Rouge. Il en reste une encore, fermée, demeurée là comme une relique. En trois ans, ces propriétaires de figuiers, soutenus par une municipalité active, ont reconstruit leur ville. Ils sont généreux et exubérants. Ils viennent de dépenser 1 700 livres turques à la seule fin d’élever ces arcs de triomphe en bois découpé, enjolivé de peintures, pour commémorer le 5 septembre 1922 qui fut la date de leur délivrance [11]. »
L’ultime offensif de l’armée turque qui débuta le 22 août 1922, se termina avec succès le 30 août 1922 par la libération de l’ensemble de l’Anatolie des forces d’occupation étrangères. Cette victoire militaire sera parachevée par une autre, diplomatique celle-la : le Traité de Paix signé à Lausanne le 24 juillet 1923, prélude à la proclamation de la République de Turquie le 29 octobre de la même année.
Désormais la date de 30 août est devenue pour la Turquie le jour de la « Fête de la victoire » commémoré tous les ans.
Au delà de sa symbolique purement régionale, cette guerre de libération du peuple turc sous la conduite de Mustafa Kemal Atatürk fait date dans l’histoire moderne : en effet, c’est celle du début de l’ère d’indépendance et de libération des peuples du monde contre l’impérialisme occidentale colonialiste. Atatürk représente un exemple cité avec admiration par de nombreux leaders comme Mao en Chine, Gandhi en Inde, Fidel Castro au Cuba ou encore par le Front de libération de l’Algérie. Clin d’œil à l’actualité de ces jours, il nous parait important de rappeler également que l’Afghanistan, libéré en 1921, fut le premier pays libre à avoir reconnu le gouvernement d’Ankara.
Dans le but d’occulter l’importance de sa portée historique, certains historiens occidentaux se plaisent à relater cet événement comme étant une guerre singulière entre Grecs et Turcs. Il est important de se rappeler que les forces helléniques avaient occupé l’ouest de l’Anatolie par procuration au profit des impérialistes occidentaux, en particulier suite aux intrigues de la Grande-Bretagne comme l’explique le Dr. Pat Walsh, historien irlandais, dans son analyse « The Great War and the Great Idea (Megali): Forgotten aspects of the Greek war on the Turks ». Il est regrettable de constater, qu’aujourd’hui encore, ces impérialistes jouent le même rôle en Méditerranée orientale, ou encore, de concert avec les forces terroristes kurdes, en Syrie et en Iraq, pour bafouer les aspirations à la paix des peuples du Proche-Orient.
En espérant que ce synopsis aura retenu votre attention, nous souhaitons, à nos amis et membres, une excellente Fête de la Victoire.
Références
[1] Maxime Gauin, The Relations between the French Republic and the Armenian Committees, from 1918 to 1923, Middle East Technical University, 2020, p. 122.
[2] Berthe Georges-Gaulis, Angora — Constantinople — Londres. Moustafa Kémal et la politique anglaise en Orient, Paris, Armand Colin, 1922, p. 37.
[3] Stanford Jay Shaw, From Empire to Republic. The Turkish War of National Liberation, Ankara, TTK, 2000, volume III-1, pp. 1434-1435.
[4] M. Briand, président du Conseil, ministre des Affaires étrangères, à M. Barthou, ministre de la Guerre, 11 janvier 1922, dans Christian Blaecher (éd.), Documents diplomatiques français. 1922, volume I, Berne, Peter Lang, 2007, pp. 70-72.
[5] Jean Schlicklin, Angora. L’aube de la Turquie nouvelle, Paris, Berger-Levrault, 1922, pp. 63-68 et 247-255.
[6] Ibid., pp. 331-332.
[7] Rodolphe Haccius et Henri Cuénod, Mission en Anatolie », Revue internationale de la Croix-Rouge, novembre 1922, p. 970.
[8] « Le Proche-Orient et le pétrole », Bulletin de la Société française des ingénieurs coloniaux, n° 79, 1er trimestre 1923, p. 118.
[9] Ibid., p. 120.
[10] National Archives and Records Administration, College Park (Maryland), RG 59, M 353, bobine 55.
[11] Noëlle Roger, En Asie mineure. La Turquie du Ghazi, Paris, Fasquelle, 1930, pp. 208-209.