Rarement, dans l’histoire, des faits ont été volontairement déformés et ont réussi, jusqu’à maintenant, à tromper, avec un certain succès, l’opinion publique d’une grande partie du monde. »
Pierre A. Moser, écrivain, journaliste suisse Arméniens, où est la vérité, 1980
C’est par ces paroles que commence l’ouvrage « Arméniens, où est la vérité » du Genevois Pierre A. Moser, écrivain, journaliste, Chef de l’information à Radio-Genève, puis, entre autres, Directeur de l’Unesco pour la Jeunesse. Près d’un siècle après le début des mouvements révolutionnaires arméniens qui jetèrent les diverses composantes de l’Empire ottoman les uns contre les autres, cet ouvrage fut écrit en « plein régime de la terreur et du crime », celui du terrorisme arménien des années 70 et 80, qui précéda le terrorisme intellectuel et celui de la censure qui sévit encore de nos jours à l’adresse des écrivains, chercheurs et historiens spécialisés dans l’histoire de l’Empire ottoman tardif, celle entre autres concernant les événements de 1915. Comme beaucoup d’autres avant et après lui, Pierre A. Moser qui, au travers de ce livre, avait pour objectif de poursuivre, selon ses propres paroles, deux buts : « celui d’essayer, documents à l’appui, de rétablir la vérité » (ndlr : historique) d’une part, et « de démystifier et dépassionner le problème », celui du « mensonge du génocide » d’autre part. Il fut vivement pris à partie par les activistes arméniens !
Depuis quelques années, ce modus operandi a atteint des proportions totalement inacceptable: c’est ainsi que nous, Fédération des associations turques de Suisse romande, exprimons notre soutien à l’historien français Maxime Gauin (ses articles universitaires sont, en partie, disponibles sur la plateforme academia.edu: https://metu.academia.edu/MaximeGauin), victime de diffamations et d’injures venant de Jean-Marc « Ara » Toranian, ancien responsable, en France, de la branche politique l’Armée secrète arménienne pour la libération de l’Arménie (ASALA, groupe terroriste raciste, antisémite et francophobe responsable, entre autres, d’une des actions terroristes les plus sanglantes commises sur le territoire français, l’attentat d’Orly du 15 juillet 1983), actuellement coprésident du Conseil de coordination des associations arméniennes de France (CCAF) dont la légitimité fait l’objet de contestations au sein même de la diaspora arménienne, et de Samuel Tilbian, ex-trésorier de la Fédération des associations arméniennes de Rhône-Alpes et antisémite forcené.
Voici par exemple ce que M. Tilbian écrivait en janvier 2017, sur les Nouvelles d’Arménie (Armenews), le site de M. Toranian (lequel n’a effacé ces attaques que le 29 octobre de la même année).
Nous faisons confiance à la cour d’appel de Paris, qui a déjà condamné, par un jugement du 16 janvier 2014 (Sirma Oran-Martz c. Laurent Leylekian), Laurent Leylekian, ex-directeur de France-Arménie, pour des propos similaires.
Alors oui, les “maudits Turcs” restent coupables ; ils restent tous coupables quelle que soient leur bonne volonté, leurs intentions ou leurs actions. Tous, de l’enfant qui vient de naître au vieillard qui va mourir, l’islamiste comme le kémaliste, celui de Sivas comme celui de Konya, le croyant comme l’athée, le membre d’Ergenekon comme Orhan Kemal Cengiz qui est “défenseur des droits de l’homme, avocat et écrivain” et qui travaille pour “le Projet kurde des droits de l’homme”. Aussi irrémédiablement coupables que Caïn, coupables devant les Arméniens, devant eux-mêmes, devant le tribunal de l’Histoire et devant toute l’Humanité. »
Laurent Leylekian, octobre 2009 (en réponse à une tribune publiée par Today’s Zaman)
Voilà onze ans que M. Gauin subit la haine de tels extrémistes. L’une des premières fois, c’était en février 2008 : il fut injurié par Movsès Nissanian, alors membre du conseil de la communauté urbaine de Lyon. M. Nissanian a été condamné par le tribunal de grande instance de cette ville, le 27 avril 2010, pour avoir assimilé M. Gauin à « ceux qui étaient dans la Milice, qui envoyaient des Juifs à Auschwitz » (sic). Le repris de justice n’a pas fait appel.
Maxime Gauin n’est pas la seule victime de ce genre d’attaques vipérines, ces dernières années : Pierre Nora, de l’Académie française, Président de Liberté pour l’Histoire — association qui a pour objet de “faire reconnaître la dimension spécifique de la recherche et de l’enseignement historiques, et de défendre la liberté d’expression des historiens contre les interventions politiques et les pressions idéologiques de toute nature et de toute origine — a été traité de « Himmler des Turcs » (sic).
Dans le passé, contre d’autres historiens, ce fut encore pire : Stanford Jay Shaw, alors professeur d’histoire turque à l’université de Californie-Los Angeles, a échappé de justesse à une tentative d’assassinat par engin explosif, à son domicile, en octobre 1977, puis a dû passer six mois à İstanbul, de janvier à juin 1982, pour échapper à une seconde équipe de tueurs, après le saccage de son bureau par une bande d’énergumènes (Michael M. Gunter, « Pursuing the Just Cause of their People ». A Study of Contemporary Armenian Terrorism, Westport-New York-Londres, Greenwood Press, 1986, p. 3.).
Gilles Veinstein, professeur d’histoire ottomane au Collège de France a subi, à partir de 1998 et jusqu’au milieu des années 2000 au moins, une campagne de menaces, de calomnies et d’agressions qui fut l’une des causes du cancer qu’il l’a prématurément emporté en 2013.
Les clichés, les préjugés immémoriaux, si bien ancrés dans les esprits qu’il leur arrive encore de resurgir aujourd’hui, ont conduit à de telles distorsions que le familier des archives, aussi peu enclin soit-il à se poser en justicier, ne peut que les redresser. Il ne lui en faut pas plus pour passer aux yeux d’esprits sectaires pour le propagandiste d’une réhabilitation, voire pour un faux témoin au tribunal de l’histoire, quand ses objectifs sont d’un ordre radicalement différent. » Prof. Gilles Veinstein, Leçon inaugurale, 1999
Nous n’oublions pas non plus Emine Çetin, co-organisatrice de la manifestation de janvier 2012 contre la proposition de loi Boyer (proposition liberticide, censurée le mois suivant par le Conseil constitutionnel). Menacée au téléphone par deux fanatiques, les frères Der-Agopian (dont l’un d’eux s’est vanté d’avoir été condamné pour avoir aidé l’organisation terroriste ASALA), Mme Çetin a porté plainte. Relaxés en première instance (2013), les harceleurs ont été condamnés par la cour d’appel de Versailles, le 30 avril 2014 : six mois de prison avec sursis pour l’un, quatre pour l’autre, cinq mille euros de dommages et intérêts, deux mille euros au titre des frais de justice.
Plus récemment, en 2017, le fanatique qui avait agressé, en 2015, l’ambassadeur de Turquie à Paris et celui qui avait diffusé la vidéo de l’agression, deux Français d’origine arménienne membre du groupuscule ultra-nationaliste Nor Seround, ont été condamnés par le tribunal de grande instance de Nanterre.
Cette haine et ses effets, nous la connaissons en Suisse aussi : les attentats des années 1970 et 1980 (comme en France), puis les tentatives de transformer l’article 261bis du Code pénal suisse en machine liberticide, dans les années 2000 et 2010 (procès Perinçek et Mercan). Tiers intervenant dans l’affaire Perinçek c. Suisse, devant la Grande chambre de la Cour européenne des droits de l’homme, nous avions contre nous, entre autres, le CCAF de M. Toranian, qui présente de sérieux titres pour la palme de l’intervention la plus ridicule dans cette procédure. Longue de neuf pages, les Observations du CCAF ne contiennent aucune référence juridique avant la cinquième, et, pp. 6-7, elles affirment que le prétendu « négationnisme » sur 1915 « conduit dans certains cas à des actes clairement contraires à la loi pénale », mais n’en cite pas un seul. En tout état de cause, nous avons gagné ; ils ont perdu !
C’est donc, notamment, à ce titre que nous souhaitons voir la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) à Strasbourg (affaire Perinçek c. Suisse — voir notre communiqué de presse suite à la décision de la Cour européenne des droits de l’Homme du 15 octobre 2015 — ainsi que Mercan et autres c. Suisse) s’imposer dans tout le territoire du Conseil de l’Europe, et dans toutes ses conséquences : la contestation de la qualification de « génocide arménien » ne saurait, en aucune manière, s’assimiler au négationnisme — à la négation de la politique nazie d’extermination en général, et des chambres à gaz en particulier. Elle relève du débat, comme l’a jugé la CEDH, ainsi d’ailleurs que le Conseil constitutionnel français (« Dès lors, ces dispositions font peser une incertitude sur la licéité d’actes ou de propos portant sur des faits susceptibles de faire l’objet de débats historiques qui ne satisfait pas à l’exigence de proportionnalité qui s’impose s’agissant de l’exercice de la liberté d’expression. » Décision n° 2016-745 DC du 26 janvier 2017, § 196).
M. Toranian peut bien recevoir une petite friandise (une seule, de toute la boîte qu’il réclamait) de la part du président français Emmanuel Macron, celle de vouloir instaurer une « journée de commémoration du génocide » : mais la jurisprudence est là.
Lors du procès Gauin c. Toranian et Tilbian, nous étions représentés au tribunal de grande instance de Paris, par notre président Celâl Bayar et par plusieurs membres de notre Comité directeur qui avaient fait le déplacement de Suisse. La haine, à cette occasion, nous l’avons vue en face, nous l’avons subie physiquement : injures, crachats, bousculades, menaces de mort, même. À l’inverse, nous n’avons pas constaté la moindre violence, physique ou verbale, ne fût-ce que par une seule des nombreuses personnes venues soutenir M. Gauin, même en réaction aux crachats. Cette haine doit être combattue, et finalement vaincue, par tous les moyens légaux. Nous n’avons pas peur du passé : nous voulons qu’il soit abordé de manière impartiale, sans déformation ni sélection de faits.
Les Turcs n’ont pas peur de la vérité historique, mais ils la veulent complète et entière »
C’est pour défendre ces valeurs universelles, que nous vous invitons à soutenir l’historien Maxime Gauin en faisant acte de présence à cette audience qui se déroulera dans les locaux historiques du tribunal de Paris le 21 février 2019.
Tribunal de Paris Boulevard du palais N° 8, (Île de la Cité) Salle Jules-Grévy (pour être sûr, indiquer à l’entrée que c’est un procès de presse en appel) 75001 Paris, France
Début de l’audience à 13h30, mais il est vivement conseillé d’arriver vers midi.